Ce recueil de sept nouvelles paraît
en 1962, sous le titre provocateur de Une bonne à six.
Il obtient le Prix international du premier roman. L’ouvrage
défaire rapidement la chronique ; surgi de nulle part dans
les eaux troubles d’une colonisation problématique,
cette hymne à la colonie dérange.
Dans cette première œuvre, on trouve en germe toutes
les qualités de cet écrivain atypique : un réalisme
efficace évitant l’écueil de l’exotisme,
une satire sociale déjà présente, un certain
désenchantement devant la fuite du temps et des bonnes
fortunes. Cette fatalité se conjure en happant la vie avec
boulimie, comme en témoigne les thèmes récurrents
de ces récits : appétit sensuel et sensuel pour
les femmes, évocations aujourd’hui troublantes car
elles semblent ramener les femmes à leur animalité,
communion entre l’homme et l’animal, ruissellement
des sensations, rendues palpables au lecteur dans cette extraordinaire
phrase « belle, diaprée, souterraine » : la
marque d’un écrivain indiscutable, d’un style.
Genre : Nouvelle
Illustration :Serge Rezvani
Préface : Rezvani Postface : Luce Mondor
144 p. • 120 x 205 mm • 2003
ISBN : 2-915013-02-0 - Prix : 11,00 €
« Puis tout riant des efforts
du cheval que le mors embarrassait, l’homme avait choisi les mangues
les plus belles, joyeux de voir la bête presser, mordre, déchirer,
racler la pulpe safranée. Et dans son impatience à se rassasier,
le cheval foulait cette vendange et la faisait, sans souillure, retourner
à la terre, grisé, glissant, affairé, sentant que
son désir ne pouvait venir à bout de cette masse, de cette
horde fruitière, et comme si le piétinement brutal de ses
sabots avait été un moyen, son appétit fini, d’étreindre
et de posséder encore.
Le chien lui-même, affalé et pendant, léchait les
mains de son maître et lapait le sucre juteux. Et vidés de
leur soif, abasourdis de satiété, le cheval, l’homme
et le chien étaient restés longtemps immobiles, subjugués
par cette plage de fruits, où ils avaient laissé les déchirures
et les flaques de leur assouvissement.
C’est le cheval, poussant du nez quelques herbes sèches,
qui avait donné le signal du départ. »