Alberto Pedro Torriente
Saindoux

 

 

 

 

- Inédit -

 

La Havane, la veille du jour de l'an et de la fête de la révolution. Dans le huis clos d'un appartement délabré où vivent deux frères et leur soeur se déroule un nouveau rituel autour d'un personnage absent et omniprésent, dont l'identité est ambigüe, un porc totémisé, qui incarne la survie.
En attendant de passer à l'acte, puis à table, le trio ressasse leurs ratages, leurs frustrations, philosophe sur le monde qui change, sur la déroute du socialisme dans le "ici et maintenant" cubain, enterre les utopies et en invente d'autres, plus immédiates, vitales, comme l'utopie de l'abondance du saindoux.
"Le bonheur ne serait-il qu'une source éternelle et jaillissante de saindoux ?"

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                            Collection > Accordéon 

 


Genre : Théatre
Traduction : André Delmas
36 p. • 110 x 190 mm • 1999
ISBN : 2-9512313-7-7
Prix : xxx €

Les éditions de la mauvaise graine
Alberto Pedro TORRIENTE - Saindoux - Extrait

Celestino : — D’accord, n’en parlons plus. Tu as raison. On fait ce que tu dis, mais tu en seras responsable. On le fait maintenant ?
Dulce : — Maintenant ? Mais il faut se préparer. Pas n’importe comment. Il faut planifier, se préparer et surtout ne pas rater son coup sinon tout se découvre et on sera bien embêtés. C’est la première fois, tu ne l’as jamais fait. Réfléchis, Celestino !
Celestino : — (A Pucho) Quand ?
Pucho : — Qu’est-ce que j’en sais ? Voilà que c’est mon problème à moi tout seul, maintenant.
Dulce : — Moi je l’aime bien. Je me demande si c’est normal, tu le dresses, tu le corriges, et quand c’est l’heure, tu oublies tout le travail qu’il t’a donné et tu ne veux plus le faire.
Celestino : — C’est très dur, on s’y attache.
Dulce : — Si on ne le voyait pas tout le temps, ce serait différent. Mais il vit ici, avec nous. Il fait partie de la famille.
Celestino : — Oui, comme s’il était de la famille. Un père ou un fils.
Dulce : — Il faudra bien s’y résoudre, mais je me sens un peu bourreau.
Pucho : — Mais c’est un animal, un animal.
Dulce : — (Le faisant rire) Pour l’amour du ciel, Pucho !
Pucho : — Un maudit animal qui nous empoisonne la vie.
Dulce : — (Le faisant taire) Pour l’amour du ciel, Pucho !
Pucho : — Que tout l’immeuble le sache, tous les voisins, la presse étrangère. Nous élevons un porc clandestinement, un porc ! Et on n’en peut plus, parce que nous sommes trois et que l’appartement est tout petit, et que nous avons tout fermé pour que la puanteur ne sorte pas. Nous élevons un porc qui nous empêche de vivre , de respirer, de recevoir de la visite. Un porc, un porc, un porc ! On élève un porc au seuil de l’an deux mille, en cachette, dans un immeuble d’habitation, au mépris des règlements sanitaires qui ont rendu possible le développement des villes de la planète, parce que nous avons besoin de protéines, de protéines et de saindoux, surtout du saindoux, énormément de saindoux, infiniment de saindoux….

© http://www.lamauvaisegraine.org

Alberto Pedro Torriente

Né en 1954 à LA Havane, Alberto Pedro Torriente a débuté comme acteur et auteur de théâtre la fin des années 1970. Il s'impose rapidement comme un des auteurs phares de sa génération. Il a a son actif une quinzaine de pièces dont plusieurs ont été traduites, publiées et jouées à l'étranger. En recourant au réalisme subversif, à la métaphore, à l'humour absurde, son théâtre pose un regard critique sur la réalité politique et sociale saisie dans des situations concrètes du quotidien cubain.